Le leadership charismatique, un atout trompeur pour les managers
- Jean Noël Bruère
- 10 oct.
- 6 min de lecture

Dans les arcanes de nos entreprises, le mot "charisme" sonne souvent comme un compliment suprême.
Un manager charismatique semble détenir cette magie naturelle, cette capacité à entraîner ses troupes vers des sommets, loin des abysses glaciales de l'Atlantique Nord.
Faites une simple recherche sur Internet et vous constaterez à quel point les formations au leadership ne jurent que par la "présence exécutive", cette aura qui impose le respect et la confiance.
Mais cette quête effrénée du charisme, particulièrement dans le contexte managérial en France, est-elle vraiment sans danger ?
Et si en réalité notre fascination pour les leaders au verbe facile et à l’inflexible aplomb, et faisant fi des icebergs, nous aveuglait sur les véritables qualités nécessaires pour piloter une équipe ou une organisation dans la complexité du monde actuel ?
En tant que Coach professionnel pour managers à la Réunion, j'observe depuis des années cette dynamique de près, et le conctat est bien souvent plus nuancé qu'il n'y paraît.
Explications.
Le charisme, cette arme à double tranchant
- La séduction des apparences
Le charisme se mesure souvent à l'aune d'indicateurs superficiels.
Une voix posée, un costume bien taillé, une aisance à prendre la parole en réunion, une poignée de main ferme.
Comme ceux de Mr SMITH, commandant du TITANIC, es signes extérieurs de confiance impressionnent.
Annoncer l'arrivée d'un nouveau directeur "très charismatique" déclenche généralement un soupir de soulagement.
On imagine déjà une vision claire, une capacité à fédérer, une énergie nouvelle.
Pourtant, ces attributs garantissent-ils le succès ?
Diriger une équipe, un service, une PME française, ne se résume pas à un spectacle sous les projecteurs.
Le travail quotidien exige bien plus. Il demande de l'écoute, de la rigueur, de l'humilité, et une capacité à gérer la complexité opérationnelle.
Un leader peut très bien briller sur scène et être défaillant dans le suivi des dossiers ou l'accompagnement de son équipe.
- Le piège du narcissisme déguisé
Une étude publiée dans American Psychologist apporte un éclairage troublant.
Elle suggère que les individus cherchant activement à développer un leadership charismatique sont souvent mus par un fort narcissisme.
Ces personnalités adhèrent à la théorie du "leader né", doté de qualités exceptionnelles.
Elles privilégient naturellement le charisme, qu'elles perçoivent comme un attribut inné, au détriment d'approches plus collaboratives et participatives.
Imaginez un coach en développement personnel travaillant sur le charisme avec un manager un peu trop imbu de sa personne.
Le travail ne porterait pas sur l'intelligence collective ou l'écoute active, mais sur la mise en scène de sa propre grandeur.
Le risque est alors d’induire un leader autocentré, sourd aux signaux faibles et aux alertes de son équipe.
Son charisme devient un écran de fumée, masquant des lacunes stratégiques ou relationnelles.
Quand trop de charisme nuit à la performance
- La courbe inversée du charisme
La psychologie sociale nous apprend une leçon cruciale.
Le charisme améliore l'efficacité perçue d'un leader, mais seulement jusqu'à un certain seuil.
Au-delà, la relation devient négative.
Un excès de charisme peut conduire le leader à négliger les aspects opérationnels, les détails techniques, et la mise en œuvre concrète de la stratégie.
Il est tellement habité par sa vision et son storytelling qu'il en oublie les fondamentaux du management.
Prenons l'exemple de Carlos Ghosn.
Son charisme et son aura de "cost killer" ont un temps galvanisé Renault-Nissan.
Son leadership fort et visionnaire était incontesté.
Cependant, certains analystes pointent du doigt une déconnexion progressive avec les réalités terrain et une centralisation excessive du pouvoir, éléments ayant contribué à la chute du géant.
À l'inverse, observez une figure comme celle de Jean-Dominique Sénard.
Il ne correspond en rien au stéréotype du tribun charismatique.
Son succès repose sur une expertise solide, une intégrité reconnue et une capacité de travail acharnée.
Il démontre que le charisme n'est pas une condition sine qua non pour "bien réussir »".
- L'angle mort du leader super-charismatique
Le plus grand danger réside peut-être dans l'angle mort du leader lui-même.
Les recherches montrent que si les observateurs jugent un leader très charismatique comme moins efficace, ce dernier, de son côté, reste convaincu de son excellence.
Son assurance, nourrie par son charisme, l'empêche de remettre en question ses décisions.
Rappelons nous ici l'histoire de Bernard Tapie.
Son charisme médiatique hors norme, sa capacité à séduire les médias et le grand public, ont construit son empire.
Pourtant, cette même assurance a peut-être contribué à le mener vers des aventures commerciales et judiciaires des plus périlleuses.
Son parcours illustre le risque de suivre un leader séduisant, mais dont la trajectoire peut mener l'organisation droit dans le mur.
Le mythe du sauveur charismatique VS la réalité du terrain
- La mythification post-mortem
Notre tendance à idéaliser les leaders charismatiques s'amplifie après leur disparition.
Une étude intitulée Dying for Charisma le confirme.
Une fois disparus, nous oublions leurs erreurs, leurs périodes de doute, leurs échecs.
Nous exagérons leur charisme et leurs réalisations, créant un mythe inatteignable pour les vivants.
En France, nous invoquons souvent la mémoire de Pierre Mendès France ou de Jean Monnet, en déplorant l'absence actuelle de "grands hommes" en politique.
Nous oublions en passant combien ces figures furent, en leur temps, contestées, critiquées et confrontées à l'adversité.
Leur aura actuelle est le produit d'une filtration historique, bien éloignée de la complexité de leur action quotidienne.
- Les vertus du leadership discret et partagé
Alors, vers quel type de leadership les organisations françaises devraient-elles se tourner ?
La réponse réside peut-être dans des modèles moins flamboyants, mais plus résilients et mieux adaptés aux défis contemporains.
· Le leadership serviteur :
Le leader se met au service de son équipe, lui donnant les moyens de réussir.
Son "charisme" réside dans son humilité et son dévouement.
· Le leadership participatif :
Il s'agit de solliciter l'intelligence collective, de construire ensemble les décisions. Un coach en intelligence collective peut aider à mettre en place ces dispositifs.
· Le leadership authentique :
Ce modèle valorise la transparence, la vulnérabilité et la cohérence entre les valeurs affichées et les actions.
Un leader authentique n'a pas besoin d'un charisme surjoué pour inspirer la confiance.
Comment développer un leadership authentique et efficace ?
Voici quelques pistes concrètes pour les managers souhaitant progresser sans tomber dans le piège de ce charisme creux dont nous venons de lister les pièges.
1. Privilégiez l'écoute active.
Avant de chercher à impressionner, apprenez à écouter véritablement vos collaborateurs, sans interrompre.
2. Cultivez votre expertise.
Votre crédibilité vient d'une maîtrise solide de votre métier et de votre secteur.
3. Assumez vos vulnérabilités.
Reconnaître vos erreurs et vos limites renforce la confiance bien plus qu'une façade d'infaillibilité.
4. Célébrez les succès de l'équipe.
Mettez en avant les contributions de chacun plutôt que de centraliser les louanges sur votre personne.
5. Faites appel à un coach.
Un coach professionnel pour dirigeants vous aidera à identifier votre style de leadership unique, à travailler votre communication non-verbale sans artifice, et à développer une autorité légitime, basée sur le respect et non sur la crainte ou la séduction.
Foire aux questions (FAQ)
- Un leader doit-il forcément être extraverti pour être charismatique ?
Absolument pas.
Le charisme tranquille, basé sur une écoute attentive, une parole rare mais percutante, et une grande sérénité, peut être extrêmement puissant.
De nombreux grands leaders sont des introvertis qui ont appris à mobiliser leurs forces à bon escient.
- Comment éviter de se laisser leurrer par un manager trop charismatique ?
Soyez attentif aux signes concrets.
Sa vision est-elle étayée par un plan d'action précis?
Tient-il compte des feedbacks, surtout lorsqu'ils sont négatifs?
Comment se comporte-t-il en dehors des situations de représentation, de spectacle?
Le décalage entre le discours et les actes est un indicateur majeur.
- Je suis naturellement réservé. Puis-je devenir un bon leader ?
Oui, sans aucune hésitation.
La réserve n'est pas un défaut, c'est un trait de personnalité.
Le travail avec un coach consistera non pas à vous transformer en bateleur de foire, mais à valoriser votre authenticité, à affermir votre prise de parole quand cela est nécessaire, et à construire une relation de confiance durable avec votre équipe, basée sur la fiabilité et la compétence.
- Le charisme peut-il s'apprendre ?
Certaines techniques de communication (posture, regard, voix) peuvent se travailler.
Mais un "charisme authentique" ne s'apprend pas comme un tour de magie.
Il émerge naturellement lorsque l'on est aligné avec ses propres valeurs, passionné par son sujet, et sincèrement soucieux du bien-être et de la réussite de son équipe.
Le charisme n'est certainement pas un poison en soi.
C'est comme une épice servant à assaisonner le plat de votre management.
Utilisée avec parcimonie et authenticité, elle peut relever le goût de votre leadership.
Mais lorsqu'elle devient l'ingrédient principal, elle peut rendre le plat immangeable, voire toxique.
Pour les managers et dirigeants en France, le défi n'est pas de devenir le nouveau Steve Jobs, mais d'incarner un leadership robuste, humain et tourné vers le développement des autres.
C'est cette forme de leadership, peut-être moins spectaculaire, qui construira des organisations agiles, innovantes et résilientes.
Et c'est précisément ce type de transformation que j’accompagne chez coach-reunion.com.
Auteur : Jean Noël BRUERE
COACH REUNION CONSULTING 2025




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